À l’avant-garde de la représentation fictionnelle des problématiques associées au posthumain dans la culture de masse, mangas et anime se trouvent souvent réduits aux interrogations métaphysiques dépressives et déprimantes de leurs protagonistes cyborgs, de Ghost in the Shell à Ergo Proxy en passant par Gunnm et Gunslinger Girl. Cette veine sérieuse cohabite néanmoins avec une autre tendance, qui s’incarne dans une étonnante science-fiction domestique fondée sur la relation de l’adolescent moyen, otaku et invariablement puceau, avec des androïdes ultra-sexy et peu inhibées. Ce qui pourrait donner lieu uniquement à un comique bas et fripon prend aussi la forme d’une interrogation sur la construction des processus de socialisation et de séduction de l’adolescent dans la société hypermoderne. Des titres comme AI Non-Stop ! Video Girl Ai, Chobits ou Mahoromatic ont en effet accompagné les programmes de petites amies virtuelles développés à partir des années 1990 au Japon en questionnant plus avant la nature des rapports adolescents avec la machine. Or, loin de présenter l’androïde comme un love toy et un sex toy achevant le repli sur soi, la machine se fait la médiatrice d’une éducation sentimentale passant par l’ouverture à l’autre, humain. « [L]e fantasme d’un posthumain se nourrit d’un mouvement d’opinions qui puise son mobile dans une désaffection pour l’humanité telle qu’elle elle (frileuse, fermée sur soi, fragile) […] » écrit Jean-Michel Besnier. Recourant à la fois aux codes de la science-fiction et de la romance adolescente, ces mangas et anime proposent un contrepoint optimiste à cette affirmation où la machine permet paradoxalement à l’adolescent la découverte de sa masculinité comme de son humanité.