, échelles de temps plus ou moins courtes Cela peut faire penser, de façon lointaine, à l'art alchimique, pour lequel la temporalité sensible joue

, Tout ici se recoupe pour que les temporalités et les changements d'états soient invoqués dans l'inconscient des spectateurs qui ont vu cette pièce Elle semble pointer du doigt des concepts scientifiques de haut vol avec des moyens simples et qui passent par la perception du spectateur. La façon dont il en parle à Michael Nyman révèle sa connaissance profonde de la science

M. Nyman:-j-'ai-raté-ta-conférence, Chemistry of Music

, Je sais que tu as montré les diapositives mais est-ce qu'il y avait du matériau verbal pour accompagner ou illustrer les diapos ?

G. Brecht, J'ai utilisé la cassette de Walter de Maria qui dure environ 20 minutes Ça commence par de la batterie ? une figure sur les tambours genre boom-biddy-boom-chick, et très lentement cette figure de batterie devient des stridulations de criquets, de façon presque imperceptible, et à la fin ce n'est plus que des criquets. Je joue ça, et donc je suis habillé en blouse blanche. Les diapos sont projetées sur un grand écran carré posé sur l'estrade

, endroit où se trouve l'embouchure de la flûte, et je le déclenche, pour qu'il y ait un feu et un sifflement. Pour presque chaque diapo il y a un feu d'artifice qui va avec

, Fuji ? il y a une petite fusée placée dans deux anneaux de fil sur la pointe qui jaillit vers le ciel

M. N. , Donc la conférence ne dure que le temps de la cassette ?

M. N. , Quelle est l'origine de la cassette ?

G. B. , Walter me l'a donnée un jour, avant que je quitte New York, et dès années après il m'a demandé de lui renvoyer

M. N. , Le propos de Chemistry of Music était-il simplement d'amuser ?

M. N. , Mais dans un processus chimique il faut qu'il y ait un changement amené par et dans les éléments utilisés, ainsi qu'en est-il des éléments visuels que tu as utilisés ?

G. B. , Je pense que tu pourrais dire que s'il y a quelque chose d'unique concernant ce que tu pourrais appeler mon "art," quelque chose que tu ne II.2.2) Visées sociales II.2.2.A) Les changements sociaux chez Brecht : vers un détachement total Nous avions vu chez Basarab Nicolescu une grande inquiétude quant aux changements de la société de son époque. Une nécessité impérieuse d'accorder les niveaux de perceptions de la société avec les niveaux de réalité de la science et des technologies Sans cela, la catastrophe serait imminente

M. Alocco, Donner de l'importance même au plus infime détail, est-ce ta façon de comprendre le monde ?

G. Brecht, Oui, peut-être. Oui, c'est une façon de vivre

M. A. , est-ce réellement vrai que tous les événements ont la même importance, ou n'y a-t-il pas des événements qui sont plus? des événements qui concernent un grand nombre de personnes et d'autres qui sont bien plus petits ? Un oiseau qui vole à travers les airs est un événement très réduit dans la vie d'un homme ; est-ce exactement aussi important qu, Mais pour comprendre le monde Oui. Une guerre atomique et un papillon sont exactement la même chose. C'est simplement un processus qui entoure tout

B. Vautier, Est-ce que ce n'est pas un peu fataliste ?

G. B. , Non, parce qu'il n'y a rien de déterminé là-dedans. Le fatalisme c'est quand quelque chose est préarrangé à l'avance. C'est

M. A. , Est-ce aussi bien vrai du point de vue d'un individu que du point de vue de l'humanité entière ?

B. V. , N'existe-t-il aucune chose telle que le progrès ?

G. B. , Non, le progrès n'existe pas Et c'est pour cette raison qu'il est impossible de faire quelque chose de nouveau. (Rires) Mais dans le même temps, tout est nouveau

P. Brecht and . Qu, il fait, tout comme l'importance qu'il donne au moindre détail, sont des façons de montrer l'équivalence de chaque événements, des plus infimes aux plus catastrophiques, p.503

A. George, VAUTIER (benjamin) Conversation sur autre chose : une interview avec George Brecht par Ben Vautier et Marcel Alocco, dans MARTIN (Henry), An introduction to George Brecht's Book of the Tumbler on Fire, nous traduisons n'existe pas, dans le sens où elle se déroule tout le temps, partout. Il n'y a qu'à la chercher devant nous, p.69, 1978.

, quelconque projet pour la société de son époque. À Nicolescu qui dit : « Nous ne savons pas de quel côté va pencher la balance. C'est pourquoi il faut agir vite, maintenant. Car demain il sera trop tard 504

, Chez Nicolescu, le projet social est central. C'est tout le but de la transdisciplinarité que de chercher un projet de société pour les générations futures, Nous retrouvons deux vues antagonistes

, Les visions de l'existence de Brecht se rapprochent beaucoup plus de l'indifférence bouddhiste. Sa discussion avec Irmeline Lebeer est très représentative de cela

«. Irmeline-lebeer, É. Seulement, and . Choisir, Tout comme Cage, tu invites les gens à accepter la vie dans son ensemble, à accorder une importance égale à tout et la phrase Zen que tu préfères

T. Parallèlement and . Écartes, 999 % de la réalité, tu fixes du scotch sur ta sonnette d'entrée, tu débranches le téléphone et tu te contentes des 0,001 % qui restent. N'est-ce pas contradictoire ? Ou illogique ? Ou sommes-nous dans le royaume du paradoxe ?

G. Brecht, (Rires) Une toute petite fraction reflète l'ensemble 505

. Brecht-dit-clairement and . Qu, il ne sort quasiment pas de chez lui, et qu'il souhaite occulter la plupart de ce qui se passe dans la société. Continuant à chercher le pourquoi du comment, Irmeline Lebeer lui pose la question de ses intérêts sociaux : I. L. : T'intéresses-tu à la politique, par exemple ?

G. B. , La politique : non

I. L. , Est-ce que tu lis le journal ?

G. B. , Oui, mes deux voisines du dessous me le passent, avec quelques jours de décalage Je le parcours, mais surtout pour le divertissement Quant à l'information, ça peut m'apprendre ce qui se passe 504 NICOLESCU (Basarab), La Transdisciplinarité: Manifeste, p.505, 1996.

, BRECHT (George), Les silences de George Brecht : à peine troués par Irmeline Lebeer, LEBEER (Irmeline), pp.41-44, 1986.

. Cologne, Mais autrement, le journal, c'est surtout pour le divertissement et non pour l'information. Pourquoi devrais-je accepter un choix d'événements fait par quelqu'un d'autre 506 ?

. Brecht-ne-s-'intéresse-absolument-pas-À-la-politique and . Du-monde-extérieur, Ce qu'il vit dans son petit appartement entouré de livres et d'objets semble lui suffire pour comprendre le monde. Il ne ressent pas le besoin d'entrer en contact avec l'arrangement d'événements que font d'autres personnes (les journalistes par exemple) Ce besoin de stimulation sociale est absente chez l'artiste. Son activité artistique à cette époque-là s'en ressent : I. L. : (?) La plupart du temps

G. B. , C'est vrai, ça n'a jamais très bien marché quand j'ai essayé d'enseigner. J'ai essayé plusieurs fois. Je pense que je ne suis pas assez sociable, tout simplement

I. L. , Ne recommences pas avec ça !

G. B. , Je préfère réagir plutôt qu'agir. Si tu montres ton intérêt pour quelque chose, je suis tout à fait prêt à dire ce que j'en pense, mais je n'essayerais pas de te convaincre de quoi que ce soit

I. L. ,

G. B. , J'aime laisser le monde tranquille. Y compris les gens qui s'y trouvent

I. L. and G. B. , Et qu'on me laisse tranquille aussi. (?) I. L. : Et à quelles occasions débranches-tu ta sonnette d'entrée

G. B. ,

I. L. , Tu ne ressens jamais le besoin de stimulation ? Ou d'échange ?

I. L. , Et tu n'as pas non plus besoin de reconnaissance par le monde extérieur, même pas de temps en temps ?

G. B. ,

. Ibid,

I. L. , Mais tu aimerais que les gens retirent quelque chose de ton travail pour eux, quelqu'un qui s'y impliquerait vraiment pourrait en ressentir un certain effet de libération

G. B. Oui,

I. L. , Donc pourquoi fais-tu si peu pour le répandre ?

G. B. , Je pense?est en grande partie pour en voir le résultat, la majorité des travaux est expérimentale dans le sens où je ne sais pas à quoi ils ressembleront, une fois terminés Je ne définis pas ce que ça doit être pour le faire ensuite Je découvre ce que ça va être en le faisant. Donc, si j'y découvre quelque chose, je l'offre d'une manière ou d'une autre? Je veux dire qu'il y a assez de gens qui savent qu'ils peuvent trouver mon travail s'ils le cherchent. Mais rien dont j'ai le sentiment qu'il me faut le communiquer aux autres. Si je découvre quelque chose, il est probable qu'un autre, étant également humain, le découvrira aussi : mais c'est à lui de le faire et je n'ai pas de révélation stupéfiante à communiquer au monde

I. L. , D'accord. Mais toi ? Ne te sens-tu jamais abandonné ou délaissé ou oublié si tu ne fais pas partie d'un événement artistique ?

G. B. ,

I. L. , Même si on te rayait de l'histoire de l'art, ça ne te dérangerait pas ?

G. B. , Ce serait l'idéal ! (Rires

I. L. , Pourquoi l'idéal ? Quel en serait l'avantage ?

G. B. , Le sage n'a pas de soi, mais il n'y a rien qui ne soit pas lui, p.507

L. 'artiste-ne-souhaite-ni-enseigner, ni participer à des expositions. Il souhaite au maximum rester chez lui et qu'on ne le dérange pas. Il dit lui-même qu'il sent qu

. Son-besoin-de-reconnaissance and . Qu, il continue à faire des expositions de temps à autre. Il semble que la seule chose sociale qu'il puisse apprécier serait que les spectateurs ressentent une certaine libération devant les pièces qu'il a créées. Mais « chacun doit décider pour soi ». Il ne veut rien imposer et l'idéal serait pour

G. Là-où-nicolescu-crée-un-véritable-projet-politique and . Brecht-ne-fait-qu, une exploration infiniment personnelle de la perception. Il montre ses travaux parce que si quelqu, p.507

, Ibid. situation ?

G. B. , Bien sûr. C'est une chose que tu pourrais méditer

, Quel est le point ultime auquel tu aboutis lorsque tu analyses une situation que tu crois contrôler

. Essaie,

, Où est le point ultime duquel vient le contrôle 541 ?

L. Enseignements-de-suzuki-ou-du-bouddhisme-tibétain-apparaissent-clairement-À-travers-ce-que-dit-brecht, Lorsqu'il répond « Si tu allais assez loin dans cette idée de te libérer toi-même du contrôle, tu verrais que rien n'est contrôlé », ou bien lorsqu'il dit que l'intention « donne l'illusion que l'on maîtrise les choses alors qu'on ne le fait pas vraiment », cela devient explicite. Suzuki développe une pensée semblable : La passivité est dès lors identifiable à l'acceptation de l'existence telle qu'elle est. Croire, alors, c'est être et non devenirDevenir" implique une insatisfaction de l'existence, un désir de changer, c'est-à-dire mettre en oeuvre, p.542

G. Brecht, dans son attitude, refuse toute forme de copyright ou de notion d'auteur, en ce sens que pour lui, son art ressort d'une sorte de courant de l'époque bien plus que d'un travail personnel

, Il se sent passif, ne veut pas contrôler l'expérience du spectateur Il ressort des ces positions, une certaine éthique, hautement inspirée de ses lectures spirituelles. Il veut éviter de contrôler l'expérience de celui qui regarde et essayer de s

B. Vautier, Pourquoi ne mets-tu pas de copyright sur tes travaux ?

G. Brecht, ça ne semblerait pas approprié Le copyright préjuge l'idée de possession. Et je n'ai pas du tout le sentiment de posséder ce que je fais. Par exemple, quand je dis ou j'écris "écoute le téléphone

B. V. , Mais n'as-tu pas néanmoins l'impression que c'est ton idée ?

G. B. , Non, puisque les gens le font de toute façon 543 BRECHT (George), Les Silences de George Brecht : à peine troués par Irmeline Lebeer, dans le catalogue Octobre des Arts, 541 LEBEER (Irmeline), pp.45-47, 1986.

S. Teitaro, Essais sur le Bouddhisme Zen, Séries I, II, III, écrits entre, p.746, 1927.

A. George, VAUTIER (benjamin) Conversation sur autre chose : une interview avec George Brecht par Ben Vautier et Marcel Alocco, dans MARTIN (Henry), An introduction to George Brecht's Book of the Tumbler on FireLe toucheront, p.73, 1978.

I. L. , Le penses-tu encore ?

G. B. ,

I. L. , Venant de toi, ça sonne un peu prétentieux

G. B. ,

I. L. , Mais tu cernes très bien ton travail aujourd'hui, en utilisant le langage, n'est-ce pas ?

G. B. , Non. Il vaut mieux faire appel à l'intuition. Quoi que l'on dise ou que l'on pense

I. L. , Parce que le langage est trop unidimensionnel ?

G. B. , Le langage impose des dimensions à quelque chose qui n'a pas besoin de dimensions 551

. Le-travail-de, Brecht se situe au-delà même des dimensions rationnelles du langage, de la pensée et impose un silence, de taire les mots pour retrouver une vision intuitive

, une façon ne pas chercher à « communiquer » quelque chose et ne pas imposer une pensée aux personnes qui voudraient en faire l'expérience. Même si les remarques de Brecht peuvent sembler prétentieuses à Irmeline Lebeer, c'est toujours une position de laisser-faire

M. Alocco, Y-a-t-il quelque chose que tu aimerais communiquer au plus grand nombre de personnes possible ?

, George Brecht : Non? Non

, Ben Vautier : Pourquoi ne pas signer et dater ton travail ?

G. B. , Ce n'est pas nécessaire Quel bien peut faire une date ? On a déjà compris ton travail, pour quelle raison ont-ils besoin de ton nom ? Parfois je signe quand j'ai envie, mais c'est un peu ironique. (rires) (?) B.V. : Où as-tu été chercher tes idées ? Comment te sont-elles venues ? 551 LEBEER (Irmeline, BRECHT (George), Les Silences de George Brecht : à peine troués par Irmeline Lebeer, p.49, 1986.

I. Lebeer, Si l'on devait résumer ce long discours, on pourrait dire que toute ta pensée tourne autour du silence

G. Brecht, La roue a trente rayons, mais c'est le vide central qui lui donne sa valeur, n'est-ce pas ? I. L. : Et pour exprimer ce silence

G. B. , Oui. Que ce soit Lao Tseu ou Tchouang Tseu ou Maître Eckhard, ils essayent tous de parler du rien en se servant des mots ; de temps en temps, ils approchent près du zéro

I. L. , Et toi, ça ne te pose pas de problèmes ?

G. B. , Non, ce que je fais est silencieux de toute manière Il est évident pour moi que tout ça vient du silence (geste circulaire), tout ce qui se passe, ce pavé, par exemple, vient du vide, et tout bruit

A. George, VAUTIER (benjamin) Conversation sur autre chose : une interview avec George Brecht par Ben Vautier et Marcel Alocco, dans MARTIN (Henry), An introduction to George Brecht's Book of the Tumbler on Fire, nous traaduisons 553 NICOLESCU (Basarab), pp.68-69, 1978.

, Tu piges ? (Rires

, C'est évident 554 !

. Brecht-dit-clairement-que-son-travail-est-silencieux, Tout est fait avec le minimum de moyens et avec les objets les plus quotidiens Il cite les penseurs spirituels orientaux et européens pour appuyer le fait que ses travaux doivent nous parler du vide, de ce manque de mots, dont il faut faire l'expérience soi-même. Il montre avec des gestes circulaires ou bien des claquements de doigts ce qu'il y a à « piger ». Cela ne s'explique pas, et son travail non plus, il faut simplement en faire l'expérience et, peut-être, l'oeuvre pourra nous toucher inconsciemment, Comme un Satori

. Ce-rapport-au-vide and . Au, Irmeline Lebeer à le questionner sur le peu de moyens que demandent ses oeuvres : I. L. : Tu n'as jamais eu envie de ne plus rien faire du tout ?

G. B. , Moi ou toi ? Non, pourquoi ? I. L. : Simple question. Il me semble qu'on a

G. B. , Une différence entre Cage et moi, c'est qu'il en fait beaucoup, et moi j'en fais aussi peu que possible

I. L. ,

G. B. , Parce que tout sera accompli de toute manière

I. L. , Pourquoi le faire alors ?

G. B. , (Re-claquement de doigts

, BRECHT (George), Les Silences de George Brecht : à peine troués par Irmeline Lebeer, Pourquoi est une mauvaise question. 554 LEBEER (Irmeline), p.52, 1986.

, intermédias ne recoupent pas les intérêts à la fois artistiques, scientifiques et philosophiques que peuvent avoir les oeuvres de Brecht. Lui ne se situe plus entre les médias

, La vision de la recherche chez Brecht : un chercheur sans limite Cet apport de la science et des autres domaines sur ses oeuvres est très important

G. Brecht, Depuis mon enfance déjà, je faisais de l'art. Et depuis 1950, plus sérieusement Je suivais des cours à l'école d

, Et c'est là que j'ai appris l'importance du hasard et de la probabilité, je suis tombé sur Cage et son oeuvre en 1951, Je connaissais l'utilisation du hasard dans l'art et cela parallèlement au fait que je commençais à étudier les statistiques en 1953

, À ce moment-là, il ne s'agissait plus de trouver quoi que ce soit de stable dans la science

, Ou dans l'art. Ou n'importe où

I. Lebeer, Je me rappelle que tu insistais beaucoup lors de notre première interview en1973

G. B. Oui,

I. L. , Rétrospectivement, c'est quelque chose qui m'intrigue, car en fait, les chercheurs ne font pas d'objets n'est-ce pas ? Donc, qu'entendais-tu par "recherche

G. B. , Mais si, ils font des objets. Cage a toujours affirmé, que plutôt que de se nommer artiste, musicien ou compositeur, il se dit inventeur. Et il me semble que c'est très sage. Ainsi, il peut utiliser les moyens d'expression qu'il veut, il peut faire des gravures, des dessins

, Brecht ne se voit plus comme un artiste, mais comme un chercheur qui fait des objets Cette appréhension de la recherche ramène à ce que nous disions sur l'art outredisciplinaire de Daniel Charles, reprenant René Berger. Brecht ne semble pas se situer dans l'outredisciplinaire, car si cet art était « le noyau intuitif qui, p.571

. Ibid, , p.15

, Attitude qui donne à la fois Valeur et Sens tant à notre Origine qu'à notre horizon 572 », Brecht dépasse largement cette volonté de retour à une figuration artistique et à des modèles et canons artistiques Il ne tient pas compte du point de vue social ni de la réception de ses oeuvres. Il est plus intéressé par l'horizon que par l'origine de et dans ses oeuvres. Lorsqu'il se réfère à une origine, voir avec des sources spirituelles très anciennes (le bouddhisme par exemple) qu'avec un paradigme moderne de l'art

, l'expérience quotidienne signifiante et que d'autres pourraient vouloir découvrir Il crée ainsi une recherche sans dimensions préétablies, et qui pourrait lui révéler des choses, à lui, ou à toute personne qui ferait l'effort de s'y intéresser. Ce fait de ne plus se référer à l'histoire de l'art, à « l'origine

G. Brecht, Nous pouvons dire, par exemple, que toi tu dis que l'ego est très important ; donc on peut imaginer que tu dis : « Je vais faire ceci parce que ça n'a pas été fait

B. Vautier and G. B. Exactement, Comment sais-tu que cette chose n'a pas été faite ? B.V. : Je me réfère à l

G. B. , C'est à partir de là que nous sommes différents. Je ne commence pas avec l'art

B. V. ,

G. B. , Parce que l'art est déjà limité. Ce n'est qu'une série de possibilités

B. V. , Mais je considère que toutes les possibilités sont aussi de l'art. Pour moi, John Cage a fait que tout soit musique ; Marcel Duchamp que tout soit oeuvre d'art ; et je considère que toi

G. B. , Pour moi c'est peut-être la même chose Toi tu dis « tout est art », moi je tends à ne pas penser à l'art. Je vois les choses comme elles sont et ne pense pas à l'art, Nous faisons la même chose 573

. En-comparaison-avec-ben and . Vautier, souhaite déjà, de prime abord, dépasser la limitation de l'art. Il conçoit ce qu'il crée comme sans limitations, comme un objet de recherche 572 BERGER (René, Du Transdisciplinaire à la réalité virtuelle, dans CAZENAVE (Michel), NICOLESCU (Basarab), dir., L'homme, la Science et la Nature, p.164, 1994.

A. George, VAUTIER (benjamin) Conversation sur autre chose : une interview avec An introduction to George Brecht's Book of the Tumbler on Fire, nous traduisons H. M. : Ce que nous devons réellement chercher c'est un trait de l'esprit, et c'est une chose très difficile à dire ; c'est une chose pour laquelle il est très difficile d'être historique en quelque sens, p.70, 1978.

G. B. , Alors que nous avons plutôt besoin aujourd'hui d'une histoire de l'esprit... (nda : history of mind

H. M. , ?Et nous n'avons aucun terme pour la description de l'esprit. (nda : description of mind

G. B. , Nous avons parlé d'un changement de paradigme ou sur la façon dont un nouveau paradigme a commencé à émerger vers 1915 et nous l'avons appelé le paradigme duchampien, juste par désir de quelque chose de mieux, n'est-ce pas ? Hé bien, une fois que ce paradigme commence réellement à imprégner la façon dont tu vois les choses il y a aussi un changement qui s'opère dans la façon dont tu regardes en arrière ; de plus de réussir à comprendre plus clairement ce qui se passe aujourd'hui et dans le passé proche, tu admets aussi des points de vue nouveaux et différents en respect avec ce qui s'est passé dans un passé relativement plus distant, Il y a trente ou quarante ans, par exemple, Erik Satie était essentiellement vu comme lié à Debussy et Ravel. Aujourd'hui, cependant, une conscience qu'a formée le paradigme duchampien t'amènerait à grouper Satie avec des gens comme Man Ray et John Cage et sa relation à Debussy semble bien plus ténue

H. M. , Nous commençons à réviser notre idée à propos de quelles parties du travail d'un artiste sont signifiantes et la plupart méritent d'être regardées

G. B. Oui, Et c'est aussi important de remarquer la façon dont le paradigme duchampien semble être arrivé dans un développement typique d'un travail d'artiste. Prends Monet par exemple, ou n'importe quel artiste entre Manet et Duchamp, Picasso inclus, et il y a un développement linéaire du travail de l'artiste lorsqu'on le prend dans son entièreté. Cependant, avec Duchamp, tu vas probablement te direPourquoi ce type qui fait ce grand verre qui pend, une pelle à neige ou qui fait un film avec des petits mots en spirale, qu'est-ce que ça a à voir et qu

H. M. , Je pense toujours au travail de Duchamp comme formant une constellation, ce qui est aussi la façon dont je pense à ton travail

G. B. , Dans mon esprit, c'est comme une spirale Le travail de Duchamp ne se développe plus le long d'une ligne droite mais se distribue à travers une série de points inclus dans une spirale, et tu années 30 et en avaient entendues aussi de Freud

H. M. , Il est alors très difficile de pousser plus loin que cela une quelconque affirmation sur l'état général de nos esprits, et je pense que je pourrais montrer que nous devons aller plus loin que ça

, On finit par se rapprocher dangereusement de parler d'une sorte de Zeitgeist

G. B. , Et pourquoi pas ?

H. M. , D'accord. Mais c'est déjà une sacrée affirmation si tu dis

. Zeitgeist, La plupart d'entre nous ont un peu peur de ce genre d'hypothèse spirituelles très larges ?

H. M. Enfin, je veux dire que ça a pris toute une génération pour que nous puissions être des agnostiques respectables, pour être des Einsteinien respectables et marxistes

H. M. , Je me demande si tu serais d'accord avec mon sentiment qu'en terme de culture, si pas en terme de science, les gens se tiennent à l'idée qu'il est en quelque sorte nécessaire pour eux de les maintenir et que les idées sont écartées pas à cause du fait qu'elles ne sont plus vraies mais parce que nous les trouvons gênantes ou que nous ne savons plus comment faire avec ou parce que nous ressentons une sorte de nécessité tactique à s'en libérer pendant un temps, peut-être être capable de les reformuler plus tard. En ce sens il y a une sorte de vague d

, Il n'y a jamais eu autant de charlatans dans ce domaine qu'aujourd'hui. Nous sommes submergés de fous de Jésus et d'accros au Zen et tu te rappelles de cet arrêt de bus où il y avait moins de posters pour le concert de Bob Dylan que pour le Maharaja-Ji et le conclave de méditation transcendantale. Peutêtre devrions-nous admettre qu'en plus d, spirituelle sont déjà révolues et ont déjà atteint quelque objectif qu'elles devaient atteindre

G. B. , Cette recherche diffuse pour quelque chose de plus grand semble arriver après une sorte de déception envers la science. Cela arrive après tout l'émerveillement et l'admiration dont la science H. M. : Dirais-tu qu'une partie de ce que fait ton travail, c'est explorer les

G. B. , Je n'en serais pas surpris du tout

H. M. , Mais tu ne pourrais pas donner d'exemples spécifique de cela ?

G. B. , Non, je ne pense pas. Les choses telles que "the weightless sentence" (nda : la phrase vide) s'en rapprochent

H. M. , Je me demande si tu vois une relation entre le paradoxe et les cristaux

G. B. , Les cristaux sont une sorte de situation charnièreun cristal est déjà sous forme cristalline même avant que le soluté quitte le solvant pour devenir une partie du cristal solide et il y a donc un champs indéterminé autour du cristal qui semble se rapprocher du paradoxe, bien qu'il ne se contredise pas Ou peut-être que si Quand un cristal est-il un cristal ? Mais il est difficile de dire plus que ça Je pense qu'il y a une relation mais je ne peux réellement pas la spécifier. Dans un sens, aussi, tu interfères avec ta propre recherche si tu dis aux gens comment quelque chose devrait être vu. Et plus spécialement dans le monde de l'art où il semble que dès qu'un artiste dise quelque chose tout le monde se met à dire "Oh, oui, c'est tout ce que ça veut dire" au lieu d'utiliser leur tête ou leurs yeux ou leurs oreilles et donc ça me fait réellement hésiter. Je préfère simplement donner aux gens le meilleur de moimême dans mon travail et espérer ensuite une réaction indépendante. Je suis bien plus intéressé par ce que pensent les autres personnes 577, Part One : Never change anything. Let changes fall in. Einfallen. Es fâllt mir ein. Part Two : Never say never. A Conversation with Concerning George Brecht's VOID Cette définition scientifique de l'événement a influencé au plus haut point les events de Brecht. Il explique le choix de ce terme à Irmeline Lebeer, pp.577-595, 2000.

I. Lebeer, Te considères-tu encore musicien ? Je crois que Michael Nyman et d'autres auteurs te classent dans la "musique minimale" avec La Monte Young et d'autres compositeurs new-yorkais du début de années soixante, n'est-ce pas ?

G. Brecht and . Oui,

I. L. , Je suppose qu'ils se réfèrent à comb-music (musique de peigne), drip-music (musique de gouttes), string-quartet (quatuor à cordes)

G. B. , Et dans la pièce radiophonique, Musique Silencieuse, il y a une citationLorsque vous entendez avec vos yeux et que vous voyez avec vos oreilles, alors vraiment vous êtes? alors vous êtes sur la bonne voie !" (Rires.) Et ce que nous avons appelé musique, je préférerais l'appeler "événement sonore", car l'accent est sur le son, et ce que l'on appelle art visuel, je préférerais le nommer "événement visuel, Mais aujourd'hui Mais je tiens au mot "évènement" car il ne vous oblige pas à faire des distinctions que l'on fait traditionnellement

I. L. , Un événement est quelque chose qui a lieu dans le temps? Non : dans l'espace également

G. B. ,

. Brecht-parle-souvent-de-lui-comme-d-'un-musicien and . Qu, il ait fait de nombreux objets artistiques, comme pour mettre l'accent sur ce paradoxe art du temps/art de l'espace. Il dépasse ensuite cette vision par l'introduction du terme événement. L'event Drip Music semble être caractéristique de ce floutage de la différence entre l'art musical et visuel, ainsi que la façon dont il permet de transcender la notion de notation musicale, en ramenant à des événements quotidiens : MORIN (Edgar) ? dir., Communications N°18 : L'événement, 1972.

L. and D. Entretien, Art Contemporain, p.35, 1986.

, Irmeline Lebeer : Durant cette période pendant laquelle tu faisais ces cristaux, ne t'intéressais-tu pas également à l'alchimie ?

G. Brecht and I. L. Si?, Mais ça semblait très mystérieux Tu ne voulais jamais m'en parler. Tu disais qu'il y avait quelque chose qui se passait dans ta cave, ou qui y était caché? G. B. : (Rires.) Non, juste quelque chose qui s'y passait

I. L. , Penses-tu pouvoir être un peu moins secret à ce sujet aujourd'hui ?

G. B. , Non, c'est une chose qui n'a d'intérêt que pour celui qui y est impliqué personnellement 605

, Même s'il met cela en pratique seulement dix à quinze ans après les travaux qui nous intéressent aujourd'hui, nous pouvons penser qu'il connaissait déjà certains rapports entre la chimie

H. Serge-),-l-'alchimie and . Paris, Pour approfondir le sujet, voir ROOB (Alexander), Alchimie & mystique, p.72, 2005.

, Les Origines de l'alchimie, 604 BERTHELOT (Marcellin), p.253, 1885.

, BRECHT (George), Les Silences de George Brecht : à peine troués par Irmeline Lebeer, dans le catalogue Octobre des Arts, LEBEER (Irmeline), p.28, 1986.

, Ce principe de non-dualité est bien sûr aussi une des grandes parties de la pensée taoïste : C'est la scission de l'Un en deux, ou du Souffle unique et primordial en deux modalités, qui est la condition de l'émergence du monde (en tant que connu), de même qu'il faut une dualité sujet-objet pour qu'apparaisse la conscience, une séparation entre les hommes et les femmes pour que se constitue une société, disent les Chinois, esprit empêchent de libérer des énergies créatrices en nous Tandis que le Deux est la dualité, représentée par le yin et le yang, le trois est leur Harmonie fertile, croisement-conjonction dont naissent tous les êtres et qui est symbolisé par l'Homme en tant que summum de la création 631

. La, tout comme la roue n'actualise son potentiel que par le vide qui la compose. Le rythme est une construction faite de temps d'arrêts du son et de reprise. C'est le silence qui permet le rythme. Cage, par exemple, considère, comme les bouddhistes, le silence comme partie prenante de sa musique et pas un simple repos inférieur au son, Il le décrit dans ses entretiens avec Daniel Charles

J. Cage, Chaque fois qu'il y a (?) une structuration du temps, on peut diviser le temps et y introduire

D. Charles, Vous éloignez en cela la conception traditionnelle du silence Votre silence n'est plus celui du musicien classique, qui se ditReposons-nous dans la méditation qui suit l'audition du son, Je ne voyais pas pourquoi il eut fallu privilégier les sons

D. C. , Prendre au sérieux le silence, ne pas privilégier le son musical, c'est donc élargir aussi le son lui- même

J. C. , C'est refuser de le voir asservi à ce qu'il est convenu de considérer comme

D. C. , Diriez-vous que ce que l'on continue à appeler "silence", par habitude, appartient en réalité à un autre domaine ? Ou bien le silence relève-t-il de ce même domaine, la musique ?

J. C. , C'est déjà du son, et c'est à nouveau du son, Ou du bruit. Cela devient du son à ce moment-là 632

, son dans sa musique, puisqu'il permet de laisser émerger les sons inattendus. Si la musique de Cage est toujours très dense et se déroule à des volumes sonores élevé, c'est le vide central du silence qui lui permet d'avancer et de prendre en compte la dimension du sonore comme équivalente au musical, p.631

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. Montre-le-texte-de-dewey-lorsqu, il dit que « l'art est un mode de prédiction qui ne se trouve pas dans les graphiques et les statistiques, et il suggère des possibilités de relations humaines qui n'ont pas à être fondées sur la règle ou le précepte, l'exhortation ou la contrainte 665, Les objets ou les expositions des artistes transmédias créent une sorte de jeu avec l'autre qui permet de chercher une rencontre hors des superstructures sociétales traditionnelles

, dans lesquelles les extensions informatiques l'amènent à aller provoquer le spectateur Dans la performance Wiinoise, l'artiste utilise des manettes de Wii (qui fonctionnent avec le mouvement), qu'il tient poings fermés, pour créer de la musique noise à partir de gestes assez brusques. Il réalise cela au milieu des spectateurs, ce qui donne à la plupart d'entre eux une impression d'agression, comme s'il allait les frapper. Le son incisif à un volume très élevé surajoute à cette impression de violence. Bien souvent, les gens ne se rendent pas compte que c'est le performeur et ont l'impression qu'un spectateur danse de façon violente contre eux. Ils ne savent pas trop comment réagir, Cette description du transmédia est à l'image des performances de Julien Ottavi 666

. Pareillement,

, Giroud ne passe son temps qu'à invectiver, tester, faire jouer les élèves avec lesquels il pratique autant qu'il enseigne l'art. L'artiste est toujours à la frontière

U. Peu-comme, R. Enseigner-et-apprendre-de, and . Filliou, pour en faire une synthèse foutraque mais encyclopédique Ses performances ne sont, à proprement parler, jamais des pièces de théâtre, mais elles sont faites au milieu du public et le spectateur en est aussi partie prenante. La plupart du temps elles se déroulent comme des cours sur l'avant-garde, dans lesquels il converse directement avec les personnes du public pour les faire réagir à ce qu'il dit. Le tout est ponctué de ses propres performances, qui sont aussi des hommages à ces artistes. Le cours sur l'avant-garde alimente donc la performance autant qu'elle réalimente ensuite le propos plus théorique. Par exemple, I Am 668, pp.665-399, 2005.

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