Quand bien même son enjeu est de transmettre une information sur la Shoah en général et sur l’histoire des camps en particulier, l’expérience de visite du musée-mémorial d’Auschwitz-Birkenau est avant tout sensible. D’un côté, les visiteurs sont au contact physique avec des traces du passé et des dispositifs expographiques. L’information historique transmise a une forme sensorielle en tant qu’elle est l’effet de cette expérience sensorielle. D’un autre coté, ce contact induit des émotions. Les informations historiques sensibles et les émotions sont comme les deux modalités de la même expérience, selon qu’elles sont regardées de manière spéculative ou affective. Les informations apprises pendant la visite ont en elles-mêmes une forme émotionnelle. En plus de préciser les informations apprises, cette double forme est l’indice de la nature active de l’expérience de visite. D’un côté, les perceptions ne donnent pas directement un savoir mais doivent être interprétées par les visiteurs pour y donner lieu. D’un autre côté, les émotions sont celles des visiteurs. Elles sont un effet performatif et non un constat de ce qui est perçu. Les visiteurs réinvestissent activement ce qui leur est proposé par le musée. Ils marquent ainsi un intérêt pour l’histoire. La visite n’est ainsi pas un spectacle auquel ils assisteraient pour assouvir une fascination morbide comme le craignent certains observateurs pour qui les sensations et les émotions sont incompatibles avec l’intérêt spéculatif pour l’histoire.