La formation d’un biofilm sur la surface des matériaux en contact avec des eaux (eaux marines, eaux douces de surface ou eaux potables de réseau de distribution) commence avec le dépôt de macromolécules organiques des eaux qu’il est convenu d’appeler depuis les années 1970 un « film conditionnant ». Les polymères des eaux de distribution ont été analysés par Van Nevel et al. (2012) et définis comme des polysaccharides acides (approximativement 0,2 μg/L exprimé en équivalents xanthane). Ce film conditionnant est généralement considéré comme une étape critique dans l’initiation du biofilm sur des membranes par exemple (Bar-Zee et al., 2012; Berman et al., 2011). Dans le cas des eaux potables en réseau de distribution, la formation de ce dépôt de polymères organiques et son impact sur l’adhésion des cellules bactériennes sont non documentés. Dans ce travail nous avons utilisé la microscopie par force atomique (AFM – pointe hydrophobe et pointe non fonctionnalisée – Abe et al., 2011) pour caractériser les polymères organiques accumulés en 24 h (20°C) sur différents matériaux polymériques sous un régime faiblement turbulent. Notre objectif était d’évaluer les caractéristiques (hydrophobie/hydrophile, force d'adhésion, longueur, nature) et la distribution des polymères formant le film conditionnant. Les deux matériaux qui sont présentés ici ont été sélectionnés parmi un groupe de matériaux polymériques hydrophobes (angle de contact > 110°) pour leurs réponses bien différenciées. Après 24 heures d’immersion dans l’eau potable, les matériaux apparaissaient « salis » par des polymères organiques (fréquence de détection entre 12 et 63 % sur la surface des matériaux, longueurs de contour de 200 à >1000 nm, forces d’adhésion de 0,2 à 2 nN). L’ajustement des courbes force-distance aux modèles FJC (Freely Joined Chain) et WLC (Worm-Like Chain) (Polyakov et al., 2011) montre que parmi les segments composant ces polymères, les polysaccharides dominent (70%), mais que des protéines sont aussi présentes (20%), suggérant la présence de glycoprotéines au sein du film conditionnant. Du fait de leur taille, la cinétique d’adhésion des bactéries sur les surfaces est obligatoirement plus lente. Cependant, pour les deux matériaux testés, leur nombre varie comme celui des polymères (le plus grand nombre de polymères, le plus grand nombre de bactéries pionnières) et il est impossible de décider si cette variation traduit ou non un réel concours des polymères à l’adhésion bactérienne.