La nicotine contenue dans le tabac est une substance neuromodulatrice qui agit sur la transmission synaptique du système nerveux central. La rétine est considérée comme un moyen efficace d'étudier les dysfonctionnements centraux de la transmission synaptique dans les troubles neuropsychiatriques et addictifs. L'impact de l'usage régulier du tabac sur le fonctionnement rétinien n'a pas encore été étudié au moyen d’un électrorétinogramme complet. Le but de cette étude est d'évaluer l'impact du tabagisme régulier sur la fonction rétinienne à l'aide des électrorétinogrammes pattern (PERG), flash (fERG) et multifocal (mfERG). Nous avons enregistré les PERG, fERG et mfERG chez 24 usagers réguliers de tabac et 30 sujets sains. Le protocole utilisé était conforme aux normes de l'International Society for Clinical Electrophysiology of Vision (ISCEV). Les amplitudes et temps de latence des ondes P50 et N95, (PERG), des ondes a, b et potentiels oscillatoires (fERG) et N1, P1 et N2 (mfERG) ont été mesurés. Les résultats (test Mann – Whitney U) ont montré chez les usagers réguliers de tabac une augmentation significative des temps de latence de l'onde b (p = 0,002) et des diminutions des amplitudes de OP1, OP2 et OP3 (p = 0,036, p = 0,049 et p = 0,042, respectivement) avec l’ERG flash. En utilisant l’ERG multifocal, nous avons observé les six augmentations suivantes chez les usagers réguliers de tabac : dans l'anneau 1 pour le temps de latence N2, dans l'anneau 2 pour le temps de latence N2, dans l'anneau 3 pour le temps de latence P1, dans l'anneau 4 pour le temps de latence P1, et dans l'anneau 5 pour les temps de latence P1 et N2 (p = 0,012, p = 0,011, p = 0,002, p = 0,009, p = 0,002 et p = 0,006, respectivement). Ces résultats reflètent l’effet de l'usage régulier du tabac sur la transmission synaptique rétinienne, et plus particulièrement sur la transmission dopaminergique et cholinergique. Nous en déduisons que la rétine est un site pertinent d’étude de la modulation de la neurotransmission du circuit de la récompense chez les usagers réguliers de tabac. Ces résultats pourraient être utiles en cas de troubles addictifs, y compris chez des consommateurs de tabac et/ou de tabac-alcool.