Les troubles cognitifs majeurs, problème de santé publique et sujet de recherches scientifiques, sont largement décrits comme une perte d'identité par les spécialistes, et l'entourage dit souvent que "ce n'est plus la personne qu'elle était". Mais qu'en pensent les malades? Dans une démarche de médecine centrée sur le patient, l'objectif de ce travail est d'explorer la perception qu'ils ont de leur propre identité, dans une étude qualitative s'appuyant sur des entretiens semi-dirigés chez 13 sujets atteints de troubles cognitifs majeurs, communicants et vivant à domicile. Nos résultats montrent que les sujets atteints de troubles cognitifs majeurs expriment un certain nombre d'indicateurs révélateurs de leur identité propre, au premier rang desquels figurent le rapport aux Autres (avec une place conséquente de la famille) ou encore la conscience de Soi (à travers l'évaluation de leur personnalité et leurs choix de vie). Les sujets considèrent la maladie et ses conséquences, la mémoire prospective est active. Il semble néanmoins que chez les patients aux troubles les plus avancés apparaît une indifférence aux changements et les capacités d'introspection s'amenuisent jusqu'à disparaître. Lorsque la communication s'effrite, l'expression se dégrade avant le sentiment d'identité du sujet. Ces observations conduisent à considérer le patient atteint de troubles cognitifs majeurs comme sujet de fait, acteur et décideur de sa prise en charge, et ce quelle que soit la sévérité de la pathologie.