La Directive Cadre sur l’Eau impose l’atteinte ou le maintien du bon état écologique des masses d’eau. Il s’avère donc indispensable de disposer d’indicateurs précoces de la qualité des masses d’eau en conditions naturelles. Si de nombreux indicateurs existent, ils ne sont pas toujours en mesure de révéler les effets subtils d’une faible pression épisodique sur des temps d’exposition longs. Il est donc nécessaire de développer de nouveaux indicateurs, complémentaires de ceux actuels mais plus à même de traduire l’impact des contaminants chimiques, notamment les pesticides. Pour ce faire, les biofilms phototrophes présentent un large éventail de descripteurs structurels et fonctionnels pertinents pour le diagnostic environnemental. La contamination observée depuis plusieurs années dans la rivière Cleurie (Région Grand-Est, Vosges) constitue un cadre de travail idéal pour éprouver la sensibilité de ces indicateurs. En raison d’activités industrielles (textiles), ce petit cours d’eau vosgien de tête de bassin versant forestier présente un cocktail complexe de molécules, chroniques et épisodiques (du quotidien au saisonnier) mais en dessous des normes de qualité environnementales. Ce cocktail se caractérise par de fortes concentrations en glyphosate et son principal produit de dégradation, l’acide aminométhylphosphonique (AMPA) ainsi qu'une forte charge de matière organique dissoute (MO) dominée par des colorants et azurants optiques. Dans ce contexte notre objectif est d’estimer les potentiels effets écotoxiques et fonctionnels in situ de cette contamination complexe et d’identifier si ces effets sont liés au rejet de glyphosate et d’AMPA dans la Cleurie. Les résultats générés contribueront à une approche sociologique qui sera développée en parallèle pour suivre la circulation des savoirs scientifiques produits entre les différents acteurs (scientifiques, pouvoirs publics, citoyens…) impliqués dans une controverse locale mais qui s’inscrit dans celle plus générale et ancienne sur la toxicité des pesticides. Différentes stations ont été identifiées le long du linéaire de la Cleurie et un suivi annuel de la structure (biodiversité, déformations) et du fonctionnement (approche PICT-Pollution Induced Community Tolerance) des biofilms phototrophes a été initié. Parallèlement à cette approche de terrain, des bioessais ont été réalisés pour évaluer la toxicité du glyphosate sur les diatomées en conditions standardisées. Pour ce faire, les deux espèces Nitzschia palea et Gomphonema gracile ont été exposées pendant 7j à une large gamme de concentration de glyphosate (0,4-84 mg/L). Dans un second temps, les deux espèces ont été exposées sur une durée plus longue (28j) afin d’évaluer le potentiel tératogène du glyphosate sur la morphologie des frustules. Ces premiers résultats semblent indiquer que la déformation des diatomées benthiques et l'acquisition de tolérance au glyphosate par les biofilms constitueraient des marqueurs plus sensibles que les indices structurels classiques (IBD...) quant à la présence de glyphosate et d’AMPA le long du linéaire du cours d’eau.