L’accumulation très rapide (en quelques heures) de matière organique sur des surfaces en contact avec l’eau (eaux de mer, ou eaux douces) a été décrite depuis les années 1970. Le dépôt ainsi formé souvent nommé « film conditionnant » est évidemment très fin (quelques nanomètres) et non continu. Il est généralement considéré comme une étape critique dans l’initiation du biofilm même si la littérature montre des résultats souvent contradictoires. Cependant dans le cas des eaux potables en réseau de distribution, la formation de ce dépôt de polymères organiques et son impact sur l’adhésion des cellules bactériennes sont non documentés. Aussi dans le cadre d'une étude visant à caractériser les performances anti-adhésives de 12 matériaux polymériques (11 montrant une surface hydrophobe et 1 organisé sous forme d’hydrogel), nous avons caractérisé les dépôts organiques et quantifié les cellules bactériennes accumulés en 24 h (20°C) d'immersion dans l’eau potable, sous un régime faiblement turbulent. La microscopie à force atomique (AFM) en mode force-volume a permis de déterminer la balance hydrophobe/hydrophile, les forces d'adhésion, longueur et nature des polymères organiques déposés sur ces surfaces innovantes. Après 24 heures d’immersion, les matériaux apparaissaient « salis » par des polymères organiques (fréquence de détection entre 12 et 63 %, longueurs de contour de 200 à >1000 nm, forces d’adhésion des polymères de 0,2 à 2 nN, selon les matériaux) et des bactéries de 0 à 2x104 cellules/cm2 selon les matériaux testés. L'ajustement des données d'AFM à deux modèles décrivant le comportement mécanique de macromolécules types polysaccharides (FJC: Freely Joined Chain) et polypeptides (WLC:Worm-Like Chain) montre que (i) les signatures polysaccharidiques dominent les segments de polymères du film conditionnant (70%), et (ii) que des segments protéiques (20%) sont aussi présents suggérant la présence de glycoprotéines au sein du film conditionnant. Via une étude statistique (RLM: régression linéaire multiple et analyses de corrélation incluant de 12 à 54 essais et 14 variables), nous avons cherché à déterminer trois relations entre (i) les caractéristiques physico-chimiques des matériaux avant et après immersion dans l’eau, (ii) ces mêmes caractéristiques à 24 h et le nombre de bactéries adhérées, et (iii) les propriétés physico-chimiques de surface, du biofilm conditionnant et la nettoyabilité des surfaces (par flush hydrodynamique + chlore à 50 mg/l). De plus une analyse statistique (CAH: classification ascendante hiérarchique) a permis la hiérarchisation objective des matériaux selon leurs performances anti-biofilm sous trois critères : faible film conditionnant, faible nombre de bactéries, efficacité de nettoyage.