Pendant plus d’un siècle, les cours d’eau des vallées sidérurgiques lorraines ont été profondément remaniés et des barrages ont été construits pour répondre aux besoins de l'industrie. Ces ouvrages ont entraîné une modification de l’hydrodynamisme et une accumulation de matériaux résiduaires issus de l'industrie (Kanbar et al., 2017). Après l’arrêt des activités sidérurgiques, la réhabilitation des cours d’eau anthropisés passe par l’effacement de ces ouvrages et le retour à un fonctionnement hydrologique plus libre. Les ouvertures successives de deux barrages en 2019 sur l’Orne, affluent de la Moselle, offre un contexte unique d’étudier à long terme l’évolution du cortège de contaminants dans des accumulations sédimentaires immergées pendant plusieurs décennies et émergées depuis l’ouverture des barrages. Cette étude s’intéresse à l’occurrence et l’évolution avant et après ouverture des barrages des Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP) et de leurs dérivés oxygénés (O-CAP). Composés organiques hydrophobes et réfractaires, ils sont particulièrement abondants dans ces dépôts issus de l’activité sidérurgique. Leur concentration a été mesurée par chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-MS) et leur disponibilité a été estimée via une technique innovante couplant la thermodésorption à la spectrométrie de masse (TD-GC-FID/MS) (Biache et al., 2021). Deux carottes sédimentaires ont été prélevées sur l’Orne, en amont du barrage du site de Beth (Moyeuvre-Grande), l’une en 2017 (BETH2017), servant de référence préouverture et l’autre en 2020 (BETH2020), un an après l’ouverture. Les deux carottes, situées à proximité l’une de l’autre, possèdent des caractéristiques similaires, comme en témoigne les profils verticaux de la teneur en Fe (obtenus par fluorescence X) ou leurs granulométries. BETH2017 présente des concentrations en ΣHAP variant de 14.1 μg/g en surface à 147.6 μg/g en profondeur. BETH2020 se distingue par ses concentrations élevées dès les niveaux de surface (82.7 μg/g) pouvant atteindre 194 μg/g en profondeur. La distribution des 16 HAP et 11 O-CAP est différente, BETH2017 présentant une prédominance des HAP de poids moléculaire moyen qui n’est plus observée dans BETH2020. Un an après l’ouverture de barrage, une évolution significative est donc observée attribuable aux phénomènes physiques d’érosion et aux processus chimiques. Ces premiers résultats montrent une profonde modification des contaminants après une année d’émersion des dépôts de berge. Le suivi à long terme devra permettre de mieux comprendre les processus mis en jeu et fournira des éléments d’aide à la décision sur les réaménagements de cours d’eau fortement anthropisés.