Cette recherche sur le travail de deuil s'étaye sur un double constat: le deuil touche tout être humain au cours de son existence, et les complications psychologiques des personnes endeuillées constituent en outre un véritable problème de santé publique. Cette thèse propose, à partir du paradigme de la perte d'enfant, une conceptualisation de la symbolisation de la perte, conçue comme comprenant deux dimensions: - La construction d'une représentation interne stable et non clivée de l'objet perdu, alliée à l’intégration de la relation que l'on entretenait avec lui. - L'élaboration des affects du deuil, c'est-à-dire la capacité à traduire en représentations mentales verbalisables les excitations pulsionnelles agressives et libidinales, ainsi que les affects suscitées par ces dernières. Le test de Rorschach et l’entretien clinique de recherche, associés à une méthodologie à la fois longitudinale et transversale, ont permis l'analyse qualitative et comparée de trois cas uniques, respectivement exemplaires du deuil réussi, du deuil compliqué, et de la chronicisation dépressive synonyme de deuil impossible. L'hypothèse selon laquelle la symbolisation réussie de la perte devait impliquer la levée de la sidération traumatique du deuil et la reprise de l'activité de mentalisation a été confirmée. L'hypothèse selon laquelle les complications du deuil et le deuil impossible devaient se caractériser par un cumul des facteurs externes défavorables à la symbolisation de la perte nous a conduits à davantage considérer l'effet conjugué des différents facteurs en présence, en fonction des mécanismes intrapsychiques mobilisés. Elle a également mis en évidence l'influence de la qualité de l'étayage externe. Ce travail nous a également invités à considérer plus finement la qualité de la mentalisation ainsi que la potentielle réanimation imaginaire, de même que la solidité des assises narcissiques, toutes identifiées comme prépondérantes dans la résolution harmonieuse du deuil. Si l'on résume les conclusions de cette thèse, il apparaît d'une part que les particularités du fonctionnement intrapsychique du sujet conditionnent davantage le cours du deuil que ne le font les conditions externes liées à la perte. D'autre part, le recours durable aux défenses archaïques telles que le déni, l'identification à l'objet perdu et l'inhibition est apparu comme entravant, voire interdisant, l'élaboration du deuil. En effet, la pérennisation de ces mécanismes de défense ne permet pas l'élaboration d'une représentation entière de l'objet perdu, intégrant ses aspects positifs et négatifs, et rend en outre impossible la liaison des affects de plaisir et de déplaisir à des représentations partageables - la voie mentale se trouvant alors débordée, et le relais étant pris par les voies corporelle et comportementale. Enfin, dans une orientation de prévention primaire et secondaire, cette recherche a démontré que la prise en charge psychologique rapide de l'endeuillée après le décès de son enfant favorisait la symbolisation de la perte, cette dernière étant étroitement tributaire de la capacité à abandonner les défenses archaïques qui avaient été mobilisées face au trauma du deuil, ainsi que de la qualité de l'élaboration mentale de la culpabilité et des motions agressives qui la sous-tendent.