Peut-on encore lire les romans de Barrès aujourd’hui ? Sans doute Le Culte du Moi conserve-t-il un pouvoir de séduction paradoxal, lié au raffinement suranné de son écriture. Les cycles nés de l’engagement nationaliste apparaissent en revanche sèchement didactiques et gangrenés par l’abstraction. De Sous l’Œil des Barbares à Colette Baudoche en passant par Les Déracinés ou L’Appel au soldat, Barrès manifeste pourtant une égale aptitude à laisser se cristalliser autour d’une notion abstraite un certain nombre de mots, d’images et de motifs. Tenter de comprendre le dynamisme propre de l’imagination barrésienne, ce n’est pas seulement mettre en évidence la cohérence de l’œuvre : c’est aussi rendre justice à un univers romanesque perçu comme figé et cependant inquiet, dont la séduction est liée à la mise en œuvre d’un imaginaire de la décadence pour surmonter la hantise de la décadence.