René Depestre, né en 1926 à Haïti, est connu dans l’histoire littéraire négro-africaine pour ses liens parfois houleux avec Césaire qui avait interpelé le « camarade Depestre » en 1955 dans le poème « Le verbe marronner » , moment qui n’est qu’évoqué comme une « polémique ». On se souvient aussi de sa présence au Congrès de 1956 et sa contestation de la négritude mais il n’a accédé à la notoriété dans le public français que grâce à ses romans flamboyants, en particulier Alléluia pour une femme-jardin (1980) et Hadriana dans tous mes rêves (1988, Prix Renaudot). Il offre ici une relecture de sa trajectoire, idéologique surtout, à partir du contexte contemporain du post-communisme, se plaisant à se montrer tour à tour comme un dangereux adversaire du président haïtien Pétion (qui l’expulse en 1946), un communiste inconditionnel ami d’Aragon, Eluard, Jorge Amado, Neruda et Che Guevara, un ardent défenseur de la révolution castriste pour laquelle il travaille presque vingt ans (1959-1978), et, à cause de ces engagements, une victime des pouvoirs en Haïti, en France, en Italie, en Tchécoslovaquie, à Cuba qui l’ont pour des raisons toujours politiques mais diverses, accueilli, surveillé, instrumentalisé, menacé, expulsé. Cette trajectoire fragmentée qui va de Haïti à Paris, la Bohême, l’Italie, le Chili, le Brésil, Cuba et de nouveau la France est présentée comme une aventure démontrant la cohérence d’un homme fidèle à ses idées mais surtout aux amis et aux régimes qui le protégeaient.