Alors que la zone Europe peut se targuer d’avoir vécu 70 ans en paix, les sociétés où se déploient les écritures francophones sont nombreuses à vivre encore de graves crises politiques, économiques et sociales. Dans ces contextes traumatisants marqués par les urgences, les blessures des déchirures, la littérature -spécialement francophone- devient un espace susceptible d’être reçue à la fois localement par ces populations troublées et dans un réseau international non éprouvé par ces troubles. Nous tenterons d’évaluer les tensions qui peuvent naître du désir de répondre à la fois à une demande de résilience locale (la réconciliation en contexte de guerre civile ou le dépassement des concurrences ethniques par ex) et aux pressions des autres champs littéraires, en particulier en Occident, où les positionnements politiques et esthétiques valorisent à la fois l’indépendance de l’art et son rôle dans une vision dialectique (donc conflictuelle) du monde encourageant la mémoire des traumatismes et la célébration des luttes. A partir de textes récents clairement inspirés par ces contextes de crise en République démocratique du Congo, en Algérie et à Madagascar, nous verrons quelles stratégies adoptent les écrivains et comment, en fonction de leurs choix, ils sont entendus et légitimés de manière radicalement différente.