Les déformations des diatomées pour évaluer les effets d’une contamination complexe : le cas de la Cleurie.
Résumé
Les diatomées sont couramment utilisées pour évaluer la qualité de l’eau. Outre les indicateurs basés sur la diversité des espèces présentes, la manière dont les contaminants agissent sur la variabilité morphologique au sein d’une même espèce peuvent également fournir des informations utiles. Ainsi, l’apparition de déformations est communément admise comme un indicateur de stress. Toutefois, ces déformations peuvent être difficiles à identifier et à dénombrer, et il est également délicat d'en qualifier l'intensité. Au-delà des déformations, d’autres changements plus subtils, non tératologiques, pourraient s’avérer utiles à quantifier en routine.
La Cleurie est un petit cours d’eau vosgien de tête de bassin versant forestier, qui est soumis depuis de nombreuses années à des rejets industriels issus de blanchisserie. Un suivi temporel (37 prélèvements) a été réalisé en 2019 sur différentes stations du cours d’eau. Il a permis de révéler la présence de diatomées déformées avec des valeurs d’abondance relative largement supérieures (jusqu’à 8%) par rapport à une situation considérée comme normale (<0.5%). D’autre part, la présence de ces formes anormales a varié en fonction de la distance aux rejets : une diminution en aval de la zone d’étude a été observée, avec des valeurs d’abondance restant toutefois relativement élevées au cours de l’année (proche de 1%).
Cette première étape d’analyse nous a permis d’identifier un taxon suffisamment abondant dans nos échantillons et fréquemment sujet à déformation, afin d’initier une approche de morphométrie quantitative : Fragilaria pectinalis (O.F.Müller) Lyngbye s.l (FPEC). Près de 2000 images individuelles de FPEC ont ainsi été obtenues, à partir desquelles un grand nombre de descripteurs morphologiques standardisés (43 au total) ont été calculés. Une douzaine de ces descripteurs ont finalement été suffisants pour décrire la plus grande partie de la variabilité morphologique observée au sein de ce taxon. Aucun des descripteurs considéré isolément des autres n’a pu être relié directement à la qualité chimique du cours d’eau. Mais la combinaison d’un nombre limité d’entre eux (en particulier ellipticité et concavité) a permis de distinguer les individus les plus déformées par rapport à des images de diatomées saines ou déformées de manière moins évidente. Un indice multi-descripteur pourrait donc être développé sur cette base. Cette approche est donc prometteuse dans la mesure où la quantification de ces descripteurs est plus robuste (moins biaisée car plus objective) que l’approche manuelle habituellement mise en œuvre par les opérateurs et surtout entièrement automatisable.