L’apologétique chrétienne et antiphilosophique n’a pas négligé de tirer du succès de La Nouvelle Héloïse tout le parti possible. Elle a vu dans l’héroïne le modèle d’une sainteté moderne, et le principe d’une fiction édifiante. Le Comte de Valmont de l’abbé Gérard (1774-1776) fait subir à la figure de Julie une normalisation qui correspond à l’idéal d’un Rousseau allié de la religion. Le silence de l’auteur à l’endroit de la profession de foi de Julie, alors qu’il reproduit nombre de passages tirés de La Nouvelle Héloïse dans les notes qui émaillent chaque fin de lettre, est éloquent. Comme tout phénomène de réception, la normalisation imposée au personnage nous en apprend autant sur les lecteurs de Rousseau que sur Rousseau lui-même, et, jetant un éclairage rétroactif sur le modèle de Julie, éclaire sa religion jusque dans ses contradictions.