Chute et rédemption font partie de ces antithèses les plus voyantes, aux effets dramatiques garantis, et comme tels propres à satisfaire le goût d’un public avide de sensations fortes. Mais ce niveau mélodramatique recouvre de plus subtils partages et masque d’inattendus retournements. Le personnage de Gaudet d’Arras est au cœur de la subversion que subit le processus de chute et de rédemption. Il est l’agent par lequel adviennent le soupçon, la critique, et finalement la condamnation, sans nulle rémission. Mais il propose, à l’inverse, une rédemption d’un autre genre, accueillante à la multitude, proportionnée à l’homme et à ses limites, compatible avec son aspiration au bonheur individuel et social. C’est alors que se produit la mutation générique : le roman, qui par son titre et son intrigue s’annonçait comme un roman édifiant, antiphilosophique, voire apologétique, se retourne en un éloge de la philosophie. Ironiquement, le texte biblique est un des agents de ce retournement : la religion, dans ses excès prédestinationnistes, est réfutée par elle-même, dépassée et enveloppée dans le dynamisme révolutionnaire, qui ouvre la voie à une régénération par la philosophie et à une eschatologie libératrice.